
Norwegian Wood
Extraits
" Il y a bien longtemps vivait un roi dans la forêt. Certains disaient que c’était le roi des Elfes. D’autres pensaient qu’il s’agissait de l’esprit de la forêt. D’autres encore le considéraient comme un dieu dont le royaume se trouvait en chaque arbre, chaque pierre, chaque cours d’eau…
Personne ne l’avait jamais vu mais lorsque l’hiver et la nuit prenaient leurs quartiers, que le froid devenait mordant et que la neige recouvrait tout d’un voile blanc, les vieilles dames aimaient convoquer les enfants près de l’âtre et raconter une histoire qu’il ne fallait surtout pas prendre à la légère… "
​
" Depuis une heure, l’apprenti aventurier s’en donnait à cœur joie. Au diable le chemin, il se fichait de s’enfoncer jusqu’aux genoux dans les fourrées enneigées. L’adrénaline chassait les effets du froid jusque dans ses chausses mouillées. C’est là où se trouvait la vraie liberté, en dehors de la voie tracée par l’autorité ! L’enfant bondissait d’un buisson à un autre, se jetait aux pieds de bouleaux dépouillés de leur feuillage ou sur les tapis d’aiguilles des sapins dont il aimait respirer le parfum de la sève jusqu’à s’en étourdir. Sa loupe scannait tout ce qui s’offrait à lui : amas de pierres, feuilles mortes, brindilles cassées. "
​
" Chevalier cerné par d’invisibles ennemis, il brandit cet amour, réchauffant son corps, tel un étendard. Sa main, quant à elle, était armée d’une épée que sa foi en la magie de Noël enflammait dans la nuit. Ainsi équipé, Ole Svenson se sentit plus fort et capable de terrasser ce dragon de l’hiver. Sauf que la bête était indomptable. Elle n’obéissait à aucun ordre ni à aucune logique hormis la sienne. Tant qu’elle aurait des flocons à cracher, elle se déchaînerait sur la sylve boréale. "
​
" Malgré les supplications bruyantes de son estomac, Ole se précipita dans le salon où trônait l’immense Nordmann, dont la pointe caressait le plafond. Intégralement décoré de blanc et de rouge, sa simple contemplation emplit l’enfant d’un sentiment de plénitude infini.
Noël était enfin là . Dans le monde entier, des millions d’enfants, tout comme lui, piaffaient d’impatience dans l’attente de découvrir ce que le gros bonhomme tout habillé de rouge – ou JulNisse – avait déposé au pied de leur sapin. La guirlande était restée allumée, distillant un peu de magie de Noël dans la pièce. L’enfant remarqua les paquets cadeaux bien alignés au pied de l’arbre. Néanmoins, quelque chose le retenait, comme un sentiment d’interdit. Il ne devait pas se trouver là , seul. Par conséquent, il décida de se poser dans le canapé en attendant que sa mère et sa sœur descendent. À peine fut-il installé qu’il aperçut les éléments du rituel, bien en évidence sur la table basse. Un verre d’hydromel vide, une assiette contenant des miettes de biscuits et quelques résidus de fanes de carottes, signe qu’il était bien passé. "
​
" Alors qu’il extrapolait déjà différents scénarii, quelque chose vint chatouiller l’arrête de son nez. Sur le moment, il n’y prêta pas attention. Puis ça recommença. Ses narines, son front, ses yeux, il était attaqué ! Il passa sa main gantée sur son visage et découvrit un rideau de coton devant lui. Ça dégringolait littéralement des cieux ! La lueur avait changé, un déluge de poussière d’hiver s’abattait sur son campement improvisé. Machinalement, l’enfant se colla contre le tronc du pin sous lequel il s’était abrité du froid ces dernières heures. Il y trouva refuge et s’extasia, durant quelques minutes, sur la féérie qui s’invitait dans son champ de vision. Des flocons aussi gros que des noix virevoltaient dans les airs et se posaient délicatement, et sans bruit, partout où ils le pouvaient. "

Nous sommes tous poussière d'étoile
EXTRAITS
" Bien souvent, les cœurs épris cultivent leur propre raison que la raison des autres ignore. "
​
" De toute manière, rien ne se passe jamais comme on l’avait prévu. Ce sont les petits accrocs, les infimes imperfections qui rendent la vie si belle et le bonheur qui en découle plus intense. "
​
" D’humeur rêveuse, je me laisse bercer par les percussions et le timbre de voix d’Einar Selvik, tous deux débarqués d’un autre âge. Tels les battements d’un c(h)œur végétal, je visualise le loup dont la complainte accompagne la mélopée envoûtante et rythmée. Tout comme lui, je rêve de courir à travers bois, libre et féroce, créature millénaire qui a toujours fasciné les hommes. Je me vois Fenrir, loup gigantesque né de l’union du dieu Loki et de la géante Angrboda, frère du terrible Serpent de Midgard, Jörmungandr, et de la déesse du Royaume des Morts, Hel. Craint de tous, je me déchaînerai lors du Ragnarök, l’ultime bataille qui scellera le sort du monde. J’avalerai Odin, le Père des Dieux, avant d’être abattu à mon tour par l’un des fils du Borgne terrassé… Puis, je me vois jeune louve solitaire au pelage argenté cheminant sous le clair de lune, à la recherche de ma destinée et de ma meute… "
​
" Oui, si quelqu’un allume les étoiles, c’est qu’elles nous sont essentielles. Elles sont notre lien originel avec le divin et notre propre essence…
La vie, tout simplement.
Un éternel recommencement de galaxies voyageuses, de soleils démiurges, de trous noirs dévoreurs de novas, de corps célestes miraculeux. Tous s’entremêlent et s’entrechoquent dans une éternelle valse cosmique de laquelle jaillit une matière invisible féconde…
Car nous sommes tous poussière d’étoile. "
​
" (…) Le firmament s’enrubanne alors d’ondes chatoyantes. Les cieux s’embrasent intensément. De l’Invisible émerge un feu liquide qui galope et colonise la voûte céleste. Les Samis présents affirmeront avec certitude que cette manifestation divine est le signe d’une bénédiction des esprits des défunts, des ancêtres qui sont de sortie en ce soir de fête, tels d’espiègles renards de feu. Le miracle est de toute beauté.
(…)
Plusieurs aurores, en simultanée, enflamment et drapent le ciel endormi de rouges profonds, de tendres verts et de blancs laiteux. Le plafond étoilé crépite en retour, stimulé par la magie et la symbolique de ce spectacle inopiné qui (…) rend ce Jul encore plus fabuleux."
​
"Sans crier gare, je me redresse et me jette sur lui, l’enfourchant à la vitesse de l’éclair comme une sorcière chevauche son balai. Nous nous contemplons plus heureux que jamais, des sourires béats accrochés aux coins de nos lèvres, nos yeux pétillants d’une myriade d’étoiles, nos cœurs battant à l’unisson… et sans doute les babines retroussées humides de bave. Tous les matins du monde devraient ressembler à cet instant de grâce suspendu. N’est-ce pas là le plus succulent petit bonheur dont on puisse rêver ? Se voir à travers les yeux de l’autre, y lire à la fois nos passés, notre présent et notre futur, ressentir une énergie primaire nous envahir, de quoi nous faire tourner la tête… La meilleure came au monde !"
​


Premières pages de "Shetland Blues"
Chapitre 1
Duncan
"C’est l’un de ces moments où il se demande ce qui lui a pris de tout plaquer du jour au lendemain pour fuir là -haut. Vers ces contrées septentrionales si inhospitalières exposées aux quatre vents et à l’influence toute proche du Cercle Polaire Arctique. Un archipel d’îles et d’îlots déchiquetés que seuls les touristes allergiques à la canicule estivale recherchent comme le Saint Graal. Un climat rude, des paysages sauvages balayés par d’incessantes pluies que les insulaires vénèrent telle une antique et païenne divinité.
Un endroit idéal pour sombrer dans l’oubli et redevenir un anonyme.
Les Shetland.
Subir les caprices du ciel et affronter l’âpreté ambiante, ce n’est rien pour ce Highlander pur jus. Surtout lorsque, comme lui, on se sent en pleine nature comme un saumon dans son loch.
Duncan n’est pas un homme de regrets. Lorsqu’il prend une décision, il s’y tient. Quoi qu’il lui en coûte. L’une des rares traditions familiales dont il a hérité et qu’il a conservée. Parce que les autres… S’il pouvait les amasser sur un bûcher et y mettre le feu, il se délivrerait d’un lourd fardeau.
Mais aujourd’hui, une intuition insaisissable sème le doute dans son esprit torturé, entre un besoin viscéral de liberté et la crainte de voir son passé le rattraper. En son for intérieur, il ne regrette pas d’avoir échoué sur ce territoire farouche où la colonie de Fous de Bassan, une race d’oiseaux marins nichant sur les falaises d’Hermaness sur l’île d’Unst, est bien plus nombreuse que la population humaine qui réside toute l’année sur l’archipel ; l’une des raisons l’ayant incité à trouver refuge ici, comme toutes ces espèces migratrices qui séjournent dans les environs durant le court été pour se reproduire et reprendre des forces.
Lui ne compte pas perpétuer son espèce, ça non ! Hors de question de transmettre ses gênes moribonds et pourris jusqu’à la moelle. Se reposer et se reconstruire, oui, il en a sacrément besoin, surtout après le cataclysme qu’il vient d’essuyer…"
EXTRAIT
Hygge Christmas

« Mon guide (et mon écran de bord, mon nouvel ami) m’indiquent que nous nous trouvons actuellement dans le comté d’Oppland, en plein cœur de la région qu’on appelle le Pays des Géants. Cette évocation me donne la chair de poule. Y a-t-il, cachés des humains, au sein de cette masse végétale sans fin, de ces créatures légendaires qui fascinent et font trembler d’effroi les hommes du nord depuis les Temps Anciens ?
C’est l’un des nombreux mystères que je rêve de percer, un jour…
Suite à mes recherches, j’apprends qu’à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Lillehammer se trouve le célèbre Jotunheimen (La Maison des Géants). Il s’agit d’une chaîne de montagnes rocheuses d’exception. Dans la mythologie norvégienne, on croit depuis toujours que les géants et les trolls résident dans les sommets les plus élevés de ces montagnes. »
EXTRAIT
Hygge Christmas

« Tout en marchant à l’aveugle, je trébuche et me retrouve à genoux (décidément, c’est une habitude chez moi). Ça ne manque pas de raviver ma blessure mais curieusement la douleur s’efface très vite alors que mon attention se focalise sur mes mains, pleines de terre. De boue surtout, il a beaucoup plu ces derniers jours.
Et je reste là , fascinée par le sang de Mère Nature que je tiens au creux de mes mains.
Je les approche de mon visage et hume ce parfum entêtant.
L’ivresse m’emporte.
Comme si je redécouvrais une odeur de mon passé, une madeleine de Proust.
Amusée, je malaxe la pâte entre mes mains, m’enivre de cette sensation nouvelle pour moi (ai-je jamais un jour mis les mains dans la terre, même pour jardiner ?).
Le banal devient féerie, la matière se mue en richesse.
Non, je ne suis pas pauvre. J’appartiens à ce monde, à cette Terre.
Les seules frontières sont celles que nous imposent nos esprits étriqués (aurais-je lu cela dans un livre ?).
Je suis libre, je suis en vie, je suis valide (...).
Et là , une image s’impose d’elle-même.
Le rêve de toute une vie se rappelle à mon bon souvenir.
Les yeux toujours ouverts, le champ s’efface et une prairie de hautes herbes sauvages apparaît, surplombant un fjord. Derrière moi, une forêt de conifères et en contrebas, roches et verdures s’entremêlent. Par-delà cette vue enchanteresse, des monts enneigés à perte de vue.
Enfin, à ma gauche, elle est là : une petite cabane en bois peinte en rouge, ses fenêtres blanches, sa clôture, blanche elle aussi, un petit potager anarchique à côté et le toit si caractéristique de là -bas recouvert de végétaux…
Je comprends.
Je sais quelle direction je dois emprunter. »
CITATIONS
Hygge Christmas


EXTRAIT
Hygge Christmas

« Troisième et dernier round.
Deux louches d’eau !
[X] me provoque et ça l’amuse.
Vais-je résister à la température ? Marche ou crève.
Je ne suis plus qu’un amas de chairs dégoulinantes, ça sort de partout. Mon palpitant s’emballe, je ne me cache même plus. À la vision érotique face à moi se superposent des images que je ne contrôle pas. Des visions de sang, d’orgies dans les bois, de sacrifices. Des réminiscences de vies antérieures ? Saperlipopette ! Il doit y avoir des substances hallucinogènes dans l’essence de bois qu’[X] a utilisé pour le poêle ! À moins que ça ne soit les pierres volcaniques… Là , je suis vraiment en transe. Il me semble même m’entendre gémir mais mes sens en sont tout retournés, un peu comme si je m’entendais de très loin. Est-ce une hallucination ou [X] est vraiment en train de se caresser le membre ? Je ne saurais le dire, je suis perdue je ne sais où…
Courant d’air, feu éteint, [X] s’enfuit vers le large.
Ma peau est rouge comme une tomate. Je passe en pilotage automatique et me jette à l’eau. Cette fois, je m’immerge complètement. Ça fait un bien fou !
Le sauna c’est fini pour aujourd’hui. »
CITATIONS
Hygge Christmas


EXTRAIT
Hygge Christmas

« L’horizon est laiteux, masqué par un rideau de flocons. Derrière, un mur opaque. Le jour se couche, mes épaules frissonnent, propageant la chair de poule.
Je consulte ma montre et le couperet tombe : j’ai erré pendant des heures ! Je ne pensais pas que le temps s’était écoulé aussi vite…
J’en suis à me lamenter de nouveau lorsque je crois entendre un bruit bizarre. Enfin, pas si bizarre que ça car ma mémoire l’associe à un « quelque chose » qui ne peut pas se trouver en ces lieux. J’en déduis que les hurlements du vent déchaîné me jouent des tours, ni plus ni moins.
Et voilà que ça recommence.
Ça tintinnabule dans l’air…
OK, je sais que c’est bientôt Noël mais le vieux barbu ventru tout de rouge vêtu vit au Pôle Nord, en Finlande en principe.
Non, je ne rêve pas. Il y a des grelots qui sonnent dans le coin !
Je me recouvre de la couverture de survie et m’approche de l’entrée.
– Ohé !!! Au secours ! Y’a quelqu’un ?
Je donne tout ce que j’ai tandis que j’allume ma lampe torche et la secoue dans tous les sens.
Il y a comme un flottement dans l’air, le rideau de flocons s’éclaircit, l’averse se tarit enfin… Et là , je le vois sortir des frondaisons : un renne, majestueux, avec un collier de grelots autour du cou. Puis un second, et un troisième… Tout un troupeau !
Je n’en crois pas mes yeux !
À la base, j’étais à leur recherche et c’est eux qui viennent à moi. J’en ai les larmes aux yeux tant la magnificence de ce moment est indescriptible.
Je pensais avoir eu ma dose d’émotions fortes pour la journée avec l’arrivée de cette harde quand un traîneau débouche dans la clairière, face à moi, alors que les cervidés se dispersent et se mettent à creuser le sol à grands coups de sabots pour y dénicher leur précieux lichen. »